Où trouves-tu ton inspiration?
Partout ! Chaque idée contient potentiellement une image convertible en sculpture et vice-versa.
D’une image en découle une autre.
L’iconographie produite par l’humanité, à portée de livre ou de click, représente un terreau fertile: de l’art rupestre en passant par l’Antiquité et le Moyen-Age, de l’art traditionnel de civilisations non-occidentales jusqu’aux créations les plus contemporaines d’ici ou d’ailleurs.
Je la puise dans le contenu inépuisable de la rue, la société, de notre entourage, de la nature, la violence, l’amour, de nos expériences, de l’actualité, de nos émotions… dans tout ce qui tisse le tissu de nos vies.
Sculptes-tu en silence ou en musique ?
Il est rare que je travaille dans le silence, même si parfois il s’impose de lui-même, après de longues heures d’écoute.
La plupart du temps j’écoute soit de la musique, soit des podcasts d’émissions culturelles, sur l’histoire, la politique, les sciences, qui sont autant de sources d’inspiration pour revenir à ta question précédente.
Es-tu très ordonné ou bordélique ?
Plutôt bordélique, mais immanquablement ordonné par nécessité, on peut difficilement imaginer la quantité de poussière et de débris produits dans un espace consacré à la sculpture, et si on ne s’astreint pas à un minimum d’ordre on est très vite submergé, naufragé dans son propre atelier
Gardes-tu quelques oeuvres pour toi ou pour tes proches ?
Parfois je m’attache viscéralement à une oeuvre que j’ai réalisé. Lorsque ça m’arrive je suis incapable de me séparer de l’oeuvre en question. Ou alors je fais en sorte de conserver un moule de la pièce, de manière à conserver un lien physique, une possibilité de lui donner à nouveau le jour.
Travailles-tu sur plusieurs sculptures en même temps ?
Oui, certaines étant plus avancées que d’autres. Les sculptures se répondent en évoluant parallèlement, elles communiquent entre elles, ne serait-ce qu’en existant au sein du même espace.
Ce phénomène a lieu particulièrement lorsqu’il s’agit d’une série, mais aussi lorsque les sculptures en présence sont indépendantes les unes des autres; le besoin que j’éprouve de leur donner une écriture commune les rend poreuses, perméables, et passer de l’une à l’autre m’apporte une respiration, du recul et de la légèreté.
As-tu senti une évolution dans ton travail ?
Si je n’en sentais pas je serai condamné à faire autre chose! C’est un lieu commun, mais que je vérifie chaque jour: nous sommes tous des élèves qui apprenons au quotidien.
Le modelage qui est ma discipline fourmille de petits gestes difficiles à exécuter, et je perçois constamment des petits progrès sur certains d’entre eux, aussi bien dans l’exécution du geste que dans sa finalité; j’ai le sentiment merveilleux en travaillant de mieux me connaître, et donc de mieux savoir là où mes sculptures doivent aller.
Au delà de ce sentiment, mon travail évolue, en oscillant au gré de références classiques et d’autres, beaucoup plus Pops, voire populaires.
La sculpture est un processus long et très exigeant non seulement artistiquement mais aussi techniquement. Quelle est l’étape que tu préfères ?
Celle que je redoute le plus : la dernière. C’est à dire que ce qui n’est pas terminé n’existe pas encore complètement, et n’appartient pas encore à ce monde. La dernière étape qui passe par la maestria d’un bon fondeur, est celle où se révèle le dernier avatar de l’œuvre sur laquelle j’ai travaillé, celui qu’elle offrira au temps, à la réalité. C’est un moment empreint de tension mais aussi celui de la délivrance, celui où tous les efforts convergent pour enfin se dissiper, pour laisser la place à quelque chose de nouveau.
As-tu confiance dans ta sculpture ou es-tu en doute perpétuel comme la plupart des artistes ?
Il y a des périodes, comme des ondes, ou des vagues… de confiance ou bien de doute, et ces vagues alternent continuellement. Rien n’est acquis. C’est quand le doute m’assaille que je suis heureux d’être en la compagnie de quelques rares sculptures que j’ai réalisées, et que je continue d’aimer, et qui me le rendent bien parce qu’elles me donnent justement la force de dépasser les doutes.
Comment te vois-tu dans 10 ans ?
Avec une barbe, des enfants et dans la nature!