Ce qui a été
« C’est près de l’eau que j’ai le mieux compris que la rêverie est un univers en émanation », écrit Bachelard, dans L’eau et les rêves. C’est près de l’eau que Jean-François Dareths peint, et nous livre les visions qui ont imprégné son enfance et modelé sa sensibilité. Sable des plages de l’Ile de Ré dans les années 70 ou du Cap Ferret l’année dernière ? Peu importe, les images se mêlent dans les lavis de l’aquarelle. Jean-François Dareths capture des corps et des rêves ; silhouettes de pins sur la dune ; femme endormie sous un parasol ou jeunes filles en pleine conversation devant la mer. Des aquarelles qui interrogent le souvenir mais aussi la trace des moments d’abandon que provoquent les jours de canicule en bord de mer.
Cette peinture suspend un temps : de joie, de vie partagée, de complicité…. Puis, elle devient, comme le note Roland Barthes, « ce qui a été ». A ce que l’œil voit s’ajoute un sentiment empreint de nostalgie qu’accompagne la réminiscence ce qui n’est plus et ne sera jamais retrouvé. Dépeints par touches spontanées, allusives, ces moments de vie sont comme effleurés. Le regard de l’artiste coïncide alors avec la manière dont on peut apercevoir ces scènes qui traversent en quelques secondes notre champ de vision, le temps de nous faire envie, de nous amuser ou de s’y reconnaitre comme dans un miroir. Pourtant ces aquarelles retiennent notre regard, par leur délicatesse à suggérer ce qui fait le charme de ces mélanges, de gens, de temporalités. Elles célèbrent une beauté simple, édénique, à contempler sans arrières pensées. On aime ce choix d’une peinture « émotive » à la dimension esthétique, cette belle simplicité.
Quelques couleurs mêlées d’eau au pinceau, des pins, du sable, le ciel. La fragilité du papier fait écho à celles de nos vies. Modestie des formats, sujets intimes et tendres …et voilà l’émotion qui nous gagne. Même la rapidité de la pratique rappelle le temps qui passe trop vite en été. L’ensemble des aquarelles de Jean-François Dareths forme une mémoire de ce qu’il ne faut surtout pas oublier. Ces retrouvailles de copains sur la plage, ces filles guettant les vagues de l’Atlantique, cet homme bercé par le clapotis de l’eau dans sa barque. C’est la belle vie à nouveau convoquée. Alors même au cœur de l’hiver, quand il ne reste plus rien, on peut se souvenir de la sensation du plaisir, des caresses du vent et du soleil sur la peau et de l’amour.